Propos stupides – De l’intérêt d’avoir des pieds
L’autre jour, je discutais, avec un fameux bonhomme de mon quartier, de l’utilité de certains appendices corporels dont est munie l’espèce humaine (enfin, dans mon village on a tous les mêmes. Chez vous je sais pas, mais chez moi c’est comme ça. Je suis d’accord avec vous, c’est pas très original). S’ensuivie un débat de plusieurs heures mais je m’emballe. Je vais vous résumer toute l’affaire dans un cours développement.
Souvent, le dimanche matin… Non, pas comme ça. Situons d’abord l’action.
J’habite un petit appartement donnant sur une petite rue dans le bourg d’un petit village. C’est un très beau petit village d’ailleurs, où les gens sont très sympathiques et où on s’amuse bien (500 habitants, 12 troquets, 4 pharmacie, 1 garde champêtre et un géranium en pot). Je vous donnerez l’adresse si vous voulez, c’est très très bien pour se reposer, en plus vous relancerez le commerce, et tout et tout…
Et je disais quoi déjà ? Ah oui, mon chien, qui s’appelle Kléber,… (Quoi, pas mon chien ?)
C’est vrai. Je me lève donc ce dimanche matin, et je décide, par le plus grand des hasards, de descendre acheter quelques fruits aux « 4 saisons » juste en face. En plus, c’était vraiment un bon hasard, parce que j’avais très faim et plus rien dans mes placards. Me voilà donc partie, à 34 balais passés, m’aventurant hors de chez moi. Folie, dirons certains ! non, tout simplement du courage, répondrai-je, en baissant les yeux, la main sur le cœur (restons modeste).
Après une périlleuse traversée de la rue, où je manque me faire renverser par le vélo du père Louis (et aussi par son propriétaire si on y réfléchi), j’arrive sur le trottoir d’en face (où, je vous le rappelle, se trouve les « 4 saisons »).
- B’jour, M’sieur Kléber !
- Non, c’est mon chien, Kléber
- Ah… fait le camelot, sceptique (je crois qu’il a beaucoup de mal à nous reconnaître, mon chien et moi. Pourtant on ne se ressemble pas, Kléber fait plus distingué, surtout lorsque son oreille gauche retombe sur son œil).
Je m’avance dans l’unique pièce, entre les cageots. Au détour d’un monticule de carottes (oui, un monticule n’est pas un légume), je tombe nez à nez – le vicieux ! – avec M. Fines en train de feuilleter les « 3 Suisses ». Spontanément, je lui serre la main. On se connaît, lui est moi, on habite dans la même rue. En plus cet insipide personnage est mon frère, pensez si je suis capable de le reconnaître.
- salut vieux !
Étonné, il regarde alentour à qui je peux bien m’adresser ainsi. Il n’a pas comprit. C’est pas une lumière mon frère. Même s’il est électricien.
- clément ! Ouhou !
- ah ! salut !
- ouai, et nous voilà reparti à nous frotter la paluche.
Sur ce, survient M. l’instituteur à la retraite, en mal de culture ce dimanche matin.
- messieurs ! Messieurs, messieurs ; déclame-t-il sur out les tons. Savez-vous, dit-il, ce vieux croûton, savez-vous que ce geste si anodin,plusieurs fois millénaires, est le résultat d’une évolution profonde de l’être humain ?
Je fais ici une parenthèse pour avouer que ce jour là, mon frère fut le plus malin. Sentant venir la diatribe, il s’excusa goujatement, prétextant une vague affaire électronique à régler (un dimanche matin, rendez-vous compte ! il grugerait le fisc, mon frère, que ça m’étonnerait pas, le filou !).
- en effet, aux temps noirs, sombres et sans lumière de la nuit de l’humanité (c'est-à-dire qu’on y voit pas du tout quoi), l’homme était un rustre, et un guerrier. Afin de saluer ces congénères, lorsque nul différent n’était présent, il était de coutume d’envoyer une grande torgnol dans la poire de son contemporain. Ceci, je regrette de le dire, donna lieu à de nombreuses algarades, et, d’après des sources historiques sûres, à l’éternelle guéguerre franco-anglaise. En effet, les français, dont la coutume était de s’envoyer une beigne dans la joue droite de la caboche, s’opposèrent aux cochons anglais, qui eux se filaient des marrons sur le pif, après que le Roy de France eu le nez cassé par le Roy d’Angleterre.
Avec le temps, cette coutume fut jugée douloureuse et violente, ainsi on en vint peu à peu à ce geste que nous connaissons. Un autre des avatars de cette coutume consiste à lever le bras pour saluer, préfigurant le coup.
Ça fait bientôt 15 minutes que je suis là vu que, pauvre pomme, c’est à moi que s’adresse le vieillard sénile et que, gentil, j ne veux pas le vexer (c’est lui qui rempli ma feuille d’impôts).
- c’est fascinant ! , m’exclamais-je, et cet emmerdeur souris, tout content.